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Enfance obscure de Pierre Péju, Haute enfance  Gallimard


 

Récit, essai, méditation ? L’enfance, sa force créatrice mystérieuse que l’auteur nomme « l’enfantin » et dont l’empreinte reste toujours présente : sensation, sentiments, situations qui ont un jour marqué et qui continuent à travers les années de faire agir.

Pierre Péju convoque ses propres expériences, un éveil de la conscience dans les temps de l’enfance qui se prolonge jusqu’aux jours de l’adulte alors, peut être, en mesure de réfléchir ces endroits obscurs et vitaux…

 

 

Et il dit de Erri de Lucca, Gallimard


Le titre d'abord, une allusion et une promesse : qui peut dire ainsi à tous? Quelle parole allons-nous entendre ?

Ce sera celle de Erri De Luca, à partir de celle de Moïse, celle du prophète. Celle des Dix Commandements apportés par cet homme retrouvé épuisé par son peuple après sa disparition, son long chemin vers le sommet et la révélation.

C'est une lecture, aussi, celle de l'auteur dans cette langue qu'il a appris à maîtriser et qui révèle tellement plus que son sens premier, cette langue mystique qui, par son mystère, pourvu qu'on accepte d'être soi-même transporté, nous accompagne au-delà de la raison.

Une lecture gourmande qui demande calme, solitude, abandon. Qu'il faut reprendre à voix haute et douce.

Une femme écrirait très longtemps après: « L'être humain ne voit le monde que dans l'enthousiasme. Dieu a créé le monde dans un enthousiasme. »

Enthousiasme, plaisir de lecture comme une pierre précieuse.

 

 

 

On agite un enfant de Yann Diener, Éditions La Fabrique


Étrange titre pour un livre ! (Pour le comprendre, il faut se reporter aux notes de la fin du livre qui complètent utilement le texte lui-même.)

Ce petit ouvrage est intéressant au moins à trois titres. D'abord il rappelle le rôle et l'évolution des CMPP (Centres Médico-Psycho-Pédagogiques) et leur relation avec la psychanalyse. Relation étroite, consubstantielle à l'existence de ces lieux de soins. Ce rappel de leur vocation et de la dérive qui leur est imposée - quelquefois acceptée sans résistance - éclairera ce lieu qui, bien que très lié à l'école, reste bien trop obscur aux enseignants qui y envoient des élèves.

En un deuxième temps, l'auteur s'interroge sur la notion de handicap et ce qu'elle suppose dans la vision de l'enfant avec lequel l'école a des problèmes. Passer de symptôme à handicap n'est pas innocent. Un chapitre très éclairant est consacré à la qualification de l'enfant hyperactif et à l'usage de la Ritaline. Un scandale parmi d'autres, tous ceux qui précèdent ou vont suivre, car il s'agit bien d'inventer des maladies pour vendre des médicaments.
En un troisième temps, une interrogation sur la psychanalyse qui peut éclairer le profane aussi bien que l'enseignant, et une réflexion sur les dérives du langage qui ne peuvent que nous inquiéter.

Tout ceci dans un récit aux développements très accessibles.

 

 

Vivre avec Autrui... ou le tuer! De Charlotte Herfray   Érès

De sa formation de psychanalyste mais aussi de sa pratique de « l'entraînement mental » appris dans les mouvements d'éducation populaire nés après la guerre, Charlotte Hefray nous livre son regard sur le monde d'aujourd'hui.

La violence, la permanente compétition, sont fruits de la paresse d'esprit, de l'indigence autant que de la volonté de nos élites de faire de chacun, y compris d'eux-mêmes, des êtres aliénés dans leurs pulsions et la recherche de la jouissance aux dépens de l'autre, plus faible, plus jeune ou plus vieux.

A la recherche des causes souvent vaine et culpabilisante Charlotte Herfray préfère la quête du sens. Ce qui fait symptôme est lu à la lumière de l'hypothèse de l'inconscient.

Face aux dysfonctionnements souvent créés par ceux qui les dénoncent, la recherche et la marginalisation, sinon l'élimination, du bouc émissaire est la solution la plus facile. Et la plus meurtrière.

Pour vivre ensemble les membres de l'espèce humaine ont besoin de paroles et non de messages. L'indigence symbolique est plus répandue et plus grave que l'indigence matérielle mais sa reconnaissance est difficile et douloureuse, c'est pour cela que le politique refuse de la prendre en considération.

Ceux qui sont dans l'espérance sont aussi dans l'inconfort, mais dans l'inconfort de l'utopie ce rêve indispensable.

Et peut-être faudra-t-il pour un temps « faisant partie des privilégiés qui savent lire, quand les choses iront trop mal », entrer en résistance et en études.

En commençant par la lecture de cet ouvrage...